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  • Martine Bluteau

Évidemment

Evidemment, elle ferait un effort pour ne pas être ivre, pour ne pas s’embourber dans les tourbillons du désir, les mirages de l’amour. « Je naviguerai à vue » se dit-elle, et fuirai le maléfice de son regard. Hier, le patron du bar l’avait arrêtée pour lui dire que G. lui donnait rendez-vous, ce soir, à 20 h. Elle l’attend, depuis une heure, devant un verre qu’elle fait durer. Pressé de la resservir, le patron vient voir où elle en est, et lui fait la conversation :

- Il va arriver, je le connais, il est toujours en retard. Je vous sers un verre, ça va le faire venir ?

- Non, je préfère l’attendre.

Elle pense à leur première rencontre dans ce café, la seule. Cette nuit-là, à peine avait-elle tourné le coin de la rue, qu’elle l’avait aperçu. Il était debout et parlait joyeusement avec des

personnes attablées en terrasse. Dès qu’il l’avait vue, il l’avait fixée et lui avait dit qu’il était heureux de ce hasard. Ils avaient pris un verre, mais trop intimidés par cette rencontre imprévue, n’avaient échangé que peu de mots. Il consultait fréquemment son téléphone. Il s’en excusa, il attendait un taxi qui devait le conduire, dans une fête où il avait promis d’aller.

- Je ne resterai qu’une heure et je reviendrai !

Elle avait vu le taxi s’éloigner. Au bout d’une heure, elle avait déjà bu plusieurs verres et parlait au bar avec le patron.

– S’il a promis, il va revenir, il est de parole.

Elle avait encore attendu une heure, mais il n’était pas revenu. Comme elle commençait à être ivre, elle était partie, elle ne voulait pas qu’il la voit dans cet état.

Cette fois le patron revient avec un verre,

- G. vient d’appeler, il est en route, il arrive ! Vous voyez, je vous l’avais dit ! Il s’éloigne.

Elle boit son verre d’un trait, pose un billet sur la table. Elle se lève. Elle voit un taxi, dont le voyant est au rouge, s’engager dans la rue. Elle détourne la tête et marche vers son immeuble.

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