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  • Monique L

Arachnéa

Arachnéa, une ville modèle sortie d’une imagination hors du temps, si lointaine, tel un nuage flottant, se fond dans le décor céleste. Le projet a été confié à Jean Genious, un architecte réputé pour ses créations innovantes. Le cahier des charges excluait les empilements de maisons à l’image de la Tour Léonard de New York.

L’idée est venue de l’observation des espèces des plus anciennes qui semblent résister aux plus grandes catastrophes. C’est en se promenant dans le sentier de la grande Bonace, un vrai labyrinthe de murs végétaux ornés de nids d’araignées accrochés comme de minuscules balcons, que Jean Genious a d’abord médité sur l’ingéniosité de ces petites bêtes qui n’a rien à envier à l’intelligence humaine. Pour échapper aux lois de l’apesanteur, elles se sont équipées d’un système qui leur permet d’évoluer dans les airs tels des trapézistes, avec une force supérieure puis- qu’elles ne lâchent jamais prise. Elles font appel à leur pouvoir séricigène. Pour réaliser ce type de déplacement, l'araignée grimpe sur un endroit surélevé, se tourne face au vent et dévide des fils de soie. La plus légère brise suffit à emporter l’animal sur des distances allant de quelques centimètres à plusieurs dizaines de kilomètres.

Si une main malintentionnée vient interrompre la construction, elles se récupèrent d’une pirouette et trouve un nouveau point d’appui. Ce mode de propulsion a été à l’origine de la réflexion sur l’élabora-tion d’Arachnéa. Une vie aérienne ancrée sur la réalité terrienne est une spécificité qui parut adaptable à d’autres concepts.

Impossible de vous renseigner sur la nature de la structure qui constitue la ville ; on perçoit juste qu’elle est ellipsoïde, qu’elle se maintient en suspension sans aide ni lien apparent avec

le sol. Elle appartient au secret et au mystère de la science. Il en est de même du réseau virtuel qui l’entoure. Son existence n’est révélée que par la trajectoire de navettes aux allures de gouttelettes qui glissent à une vitesse ultrasonique sur des fils invisibles. Lorsque la circulation est dense, aux heures de pointe, se dessine alors l’ensemble du dispositif, avec au cœur une énorme soucoupe aux apparences inconsistantes environnée d’une toile

rayonnant de milliers de fils en direction de la terre. Bien qu’habiter Arachnéa n’a rien à voir avec un voyage interstellaire, pour la phase test, les habitants candidats furent quand même triés sur le volet avec quelques exigences quant à la condition physique, la capacité d’adaptation à un environnement étranger, le goût pour

l’innovation, l’appréhension du vide et enfin la sociabilité. La vie en suspension n’est effectivement pas inscrite dans le génome humain. Il était entendu que ce n’était pour l’instant qu’un lieu de résidence dont la capacité a été évaluée à 3000 citadins. Au début, le quotidien était un jeu. L’expérience de la légèreté des corps, la pureté des sons et des odeurs, la vue sans horizon étaient vécus comme mirifiques. La liaison avec la terre, expérimentée essentiellement par ceux exerçant une activité au sol, était aussi de l’ordre du fantastique. Cette ambiance aseptisée de toute forme de parasites combla tous les citadins pendant plusieurs mois. Puis après la phase découverte, le premier symptôme exprimé fut la

fatigue, fatigue de la monotonie des sons, des couleurs et des odeurs, fatigue de l’absence de nuits profondes et fatigue des corps privés de résistance. L’origine du mal fut identifiée par ceux pratiquant les aller et retours quotidiens et finissant par regretter de quitter un sol bruyant, nauséabond, surpeuplé. L’évidence s’est alors affichée que les organismes qui ont

évolué pendant des centaines de millénaires sur une terre même maltraitée, qui ont pris le temps des mutations, n’oublient pas celle qui les a modelés. Sur Arachnéa, le passage fut sans transition ; l’adaptation réclame plus de douceur.

Aujourd’hui, elle se maintient tel un vaisseau fantôme où l’agi-tation ne se devine plus que par la circulation anarchique de diodes multicolores dont l’épuisement demandera de nombreuses années. Elles étaient conçues pour durer et ce sont les seules traces de vie qui

restent sur Arachnéa.

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