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Je vous écris assise au pied de mon pommier
de Fatima Jacques Très chère amie, Je vous écris assise au pied de mon pommier. Le dos adossé à son tronc, je hume l’odeur entêtante de ses bourgeons fleuris. Après trois semaines au lit, terrassée par cette terrible bestiole invisible, je reviens au jardin. Les forces me reviennent après ces terribles semaines.
Joie d’entendre les oiseaux, de fouler au pied l’herbe mouillée, d’admirer ces fleurs sauvages se pâmer au soleil. Pâquerettes, violettes et primevères parent la pelouse de toutes leurs couleurs. Mais celle qui saute aux yeux avec sa couleur or, c’est le pissenlit. Joyeuse fleur, don du très haut, arrivée au printemps pour le bien de l’homme disent les herboristes. Elle couvre les coins arides et ensoleillés du jardin et ne tarit pas de renouveler ses fleurs. Comme pour le cochon, tout est bon dans le pissenlit, peut-on lire. Sa racine, ses feuilles, sa tige et sa fleur, tout est comestible et utile à nos foies encombrés par les excès de l’hiver. Les feuilles égayent une salade de pommes de terre aux œufs de Pâques. Je consomme les tiges comme une friandise acidulé-amer. La racine, je préfère la garder pour retrouver ma fleur préférée, le printemps prochain. Depuis ma tendre enfance, j’affectionne cette fleur dont je tressais des couronnes et soufflais les graines à tout vent. Simple et rieuse, elle abrite de nombreuses bestioles qui se nourrissent de son pollen. Le miel de pissenlit, vous connaissais ? Je m’y suis exercée et caramel il devint, dur à cuire, impossible à décoller de la casserole. Le deuxième essai fut plus concluant. Un sirop épais de couleur jaune foncé me sert à égayer, certains jours, mes tartines beurrées. Après le confinement, je vous en offrirai.
Il m’est arrivé une chose étrange ces derniers jours. Voici que la semaine dernière, le Lundi de Pâques précisément, je trouvai devant ma porte un paquet. De peur qu’il ne soit infesté, je le mis d’abord en quarantaine pendant deux heures au soleil. Après son ouverture, je découvris deux pains bien cuits à l’odeur alléchante. Sur une petite carte, un mot à l’écriture fine et rassurante me souhaite une bonne convalescence avec ce pain d’épeautre au levain fait maison. « Vous pourrez en garder un au congélateur sans problème » indique la missive se terminant par un « Votre ange-gardien ». De signature, il n’en eut pas de reconnaissable et je me demandai bien qui était ce plaisantin qui, par ce pain, me fit telle surprise. Après mûre réflexion et des recherches dans mon entourage, je n’arrive pas à élucider ce mystère. Mais peut-être, est-ce vous, ma très chère amie, disciple d’Hildegarde ? N’arrivant pas à vous joindre, je décide de vous écrire pour vous interroger. Mais comment avez-vous pu venir de si loin déposer devant chez moi ce paquet ? Etes-vous revenue de votre île lointaine où je vous pensais en quarantaine ? Donnez-moi vite de vos nouvelles. Je vous espère en bonne santé et me languis du jour de nos retrouvailles. Je vous embrasse avec affection, Votre amie, Rosalie