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Je vous écris de la falaise
de Hélène Courvoisier Je vous écris de la falaise. Là où l’espace est ouvert et l’horizon infini. Je vous sais dans le vallon, derrière les fougères. Vous n’en pouviez plus de la misère des hommes, de leur hypocrisie et leur folie. Je me souviens, un matin, au café, quand votre père a dit « L’anarchie, ça suffit ! Demain, tu commences à l’aciérie ! ». L’aciérie des hommes noirs et des poumons blancs. L’aciérie qui étouffe de bruit et de suie. Vous n’avez pas pu. Vous êtes parti. Vous avez pris le chemin des terriers, des lapins et des sangliers. Le chemin des cabanes, des pruneliers et des accenteurs mouchets. Je vous aperçois, parfois, furtivement, vous faufiler dans la lande. Hier, j’ai tenté d’approcher, mais je n’ai pas pu. Trop de ronces et de genêts. Où avez-vous caché votre sentier ? Je voulais vous dire qu’on peut observer Vénus ces jours-ci, quand la lune n’est pas trop forte. Mais j’aime penser que vous le savez, que vous lui parlez et qu’elle vous regarde quand vous vous endormez.