- Sylvie Dumas
La politique du moustique
Mes chers Concitoitiques,
Quatre d’entre nous sont mortes dans la nuit, sous la lumière jaunâtre d’une chambre à coucher. Écrasées entre des mains assassines, aplaties comme des crêpes bretonnes, leur sort a vrillé et j’ai tiqué.
Le bipède a encore frappé. Nu, sur son lit, il les a traquées, trouvées et brisées.
Comment peut-on mettre un terme aussi radical, à la vie innocente de ces mères parties faire leur course en sifflotant ? À ces femmes qui, au péril de leur pique, reproduisent notre espèce ?
Mes chers concitoitiques, nous sommes réunis sur cette mare, à la lueur de ce triste crépuscule, pour évoquer leur mémoire et saluer leur bravoure. Notre camarade, témoin émérite de cette nuit meurtrière, a réussi à s’évader par le fenestron et à nous rapporter cette tragédie.
Les corps des malheureuses ont été évacués dans l’évier de la cuisine. L’une d’entre elles, était ma promise… (sanglots étouffés).
Mais relevons la tête ! Nous autres moustiques avons notre place dans la chaîne alimentaire. Nous aussi, nous pollinisons ! Nous aussi, sommes les proies de prédateurs impénitents ! Nous aussi, contribuons grandement à la biodiversité de nos cités !
Et c’est à ce titre, que j’ai convoqué les Tigres, notre brigade spéciale, notre arme infaillible.
Revendiquons notre place cher Concitoitiques ! Revendiquons notre droit à exister !
Ce soir, les Tigres s’infiltreront chez le génocideur et vengeront nos héroïnes.
Justique sera rendue !