- Odile Guyonnard
On ne nous dit
Il est infiniment rare qu’on se quitte bien, car si on était bien on ne se quitterait pas.
Georges a quitté sa femme Jeanne il y a quelques années. Ils ont eu trois enfants ensemble. Ils étaient déjà grands. Le plus jeune commençait des études de droit à la fac. Les deux autres travaillaient dans la région parisienne.
On essaie toujours de trouver des raisons pour expliquer les
ruptures. D’un côté comme de l’autre, on a toujours de bonnes raisons, mais ce n’est pas l’objet de cette nouvelle. Qui est responsable de quoi ? On s’en fiche, l’important est d’être persuadé de vivre une vie plus douce et plus agréable chacun de son côté.
La vie professionnelle de Jeanne avait été très hachée, elle s’était arrêtée plusieurs fois pour élever ses enfants et elle avait eu principalement des contrats à durée déterminée. Le départ de Georges la mettait dans une plus grande précarité, mais elle conservait le logement et il avait accepté de l’aider un peu, au moins au début.
Si matériellement sa vie serait sans doute plus compliquée au
début elle était satisfaite de sa nouvelle situation. Elle n’éprouvait plus d’amour pour lui et les sujets de discordes étaient de plus en plus nombreux, et les disputes plus fréquentes. Les enfants revenaient plus souvent à la maison pour la soutenir. Elle ne se sentait pas seule, et semblait très confiante dans l’avenir.
Georges reprenait un nouvel appartement pas très loin de l’ancien.
Dans son idée, les enfants viendraient le voir en passant chez leur mère, mais il réalisa vite que ce n’était pas le cas. Il les voyait de moins en moins.
Il n’avait pas l’habitude de faire à manger et la mal bouffe devenait son lot quotidien. Il voyait moins de monde et il sombrait doucement dans la dépression depuis qu’il était seul. Il faisait de moins en moins régulièrement le ménage, délaissait sa tenue, la vaisselle s’accumulait dans l’évier ; il se recroquevillait sur lui-même. Il s’apercevait que sa vie devenait plus difficile.
On dit souvent que celui qui prend la décision de partir s’en sort
mieux que celui qui subit et reste en arrière.
Jeanne avait eu de la chance car l’entreprise dans laquelle elle
avait eu son dernier contrat lui avait envoyé un mail pour lui proposer un entretien. Elle avait signé un CDI avec le RH à la suite de son entretien. Ce dernier avait conclu leur accord par cette exclamation joyeuse :
« On embauche aujourd’hui ! » .