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  • Michèle Sartout

Oscar

Dernière mise à jour : 26 mai 2021

Je suis Oscar, l’ours en peluche, le doudou, le nain-nain, le confident, le souffre-douleur… A défaut de pouvoir écrire mon histoire je vais vous la raconter.

Avec mon épaisse fourrure rose et mes yeux bleus azur, j’ai toujours été un grand séducteur. J’ai tout de suite remarqué la petite grand-mère perdue au milieu des peluches multicolores. Elle allait et venait dans le magasin de son pas menu, tâtait l’un, caressait l’autre, soupesait le troisième, quand enfin, elle se plantât enfin devant moi. L’œil brillant. Elle me sourit, je lui jetais un regard

énamouré et ce fut le coup de foudre. C’est ainsi que je devins le compagnon de son unique petite fille, fraichement débarquée sur terre.


Il faut bien l’avouer, au début, j’ai regretté le calme de ma boutique, le petit humain passait son temps à dormir et manger. Le soir venu, il poussait des cris perçants qui me transperçaient les

tympans. Comble de malchance, on me reléguât sur l’armoire de peur que la bambinette n’avale mes poils ou ne s’étouffe avec l’un de mes yeux. Le temps passa lentement, mais du haut de mon piédestal, j’assistais à la métamorphose de l’objet vagissant en une jolie brunette aux yeux rieurs.

Quatre mois plus tard, je fus récompensé de ma patience, la petite découvrit ma présence. Elle se mit à crier en tendant ses minuscules menottes dans ma direction. Ses parents, qui m’avaient oublié,

comprirent le message et m’installèrent aussitôt dans son lit. Elle me serra si fort que je faillis étouffer. Elle sentait bon le lait et la lotion pour bébé. Alors que je lui susurrai des mots doux à

l’oreille, elle me regarda étonnée et partie d’un grand éclat de rire. On ne se quitta plus, depuis le réveil jusqu’au coucher, si par malheur on m’oubliait c’était une tragédie, elle pleurait toutes les larmes de son corps. On lui tendait alors Jeannot, le lapin bleu, ou Freddy, le renard mais seule ma présence la consolait.

Le temps de la première séparation arriva trop vite. Elle n’eut pas le droit de m’emmener à l’école, et fut contrainte de me laisser seul dans sa chambre. J’attendais le soir avec impatience, elle

me racontait sa journée, ses joies, ses peines. Quand elle était triste je la consolais de mon mieux, je me blottissais contre elle en lui chantant une chanson douce. Il lui arrivait parfois d’être en colère, dans ces rares moments elle me tirait les oreilles ou me jetait contre le mur. Un jour elle me mordit si fort le museau qu’il se décrocha. J’en garde encore les traces aujourd’hui, mon nez à disparu corps et bien, et l’une de mes oreilles est irrémédiablement déchirée. Elle regrettait aussitôt ses gestes, et me prenait dans ses bras en me demandant pardon.

Elle grandit, eut de nouvelles activités, de nouveaux amis. Mais je partageais toujours son lit le soir, calé sous son oreiller. Elle m’emmenait partout : en week-end, chez ses amis, en voyage à

l’étranger. J’ai tant bourlingué que j’ai perdu peu à peu ma fourrure, ma couleur s’est délavée, mes extrémités se sont usées. Je fus progressivement supplanté par un téléphone qui occupait toutes ses pensées. Je restais parfois des semaines coincé entre le mur et le dessus de lit, la poussière me faisait éternuer mais elle ne m’entendait plus. Un jour elle est partie sans moi. On m’a lavé, brossé, couché dans une boite en carton et mis au grenier. Je me suis endormi.

Un matin, je fus ébloui par une soudaine clarté, quelqu’un m’avait réveillé. Je la reconnu tout de suite, malgré ses quelques rides et ses cheveux grisonnant, elle avait gardé le même sourire, les mêmes gestes tendres. Je vis une larme s’échapper, elle me serra contre elle en me parlant doucement. Aujourd’hui, je suis un ours heureux. Elle prend soin de moi, me dorlote, me parle comme au bon vieux temps. Elle n’ose pas encore me confier à sa petite fille de peur qu’elle n’avale le peu de poils qu’il me reste ou qu’elle ne s’étouffe avec mon dernier œil.



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