- Monique Derrien
Rouleaux de poireaux et gambas à la Boris Vian
Pourquoi que je vis
Pour l'homme gris
Il serait là si lourd.
J'aime le soleil mais j'aime pas la rue
Alors je reste chez moi.
J'aimerais devenir une grande cuisinière
Pour rendre tout le monde heureux.
Je prendrais tout mon temps
Je ferais un bouillon clair, parfumé
Une carotte sucrée, orange
Sortie de terre au tout dernier moment
Une branche de céleri petite
Avec son goût anisé juste ce qu'il faut
Du thym, du laurier chauds
Du basilic fruité au goût de tomate
Un oignon tout rond
Une gousse d'ail puissant
Un verre de Chardonnay
Celui qu'il aime tant
Je lui en offrirais
Qu'il se souvienne
Le temps où nous nous roulions dans les prés
L'odeur douce, légère, délicate
Embaumerait la maison
Je laisserais les fines bulles éclater
Pop, pop, encore un peu
Trois poireaux verts
Comme le fond vert de la mer où valsent les algues
Lavés, coupés, séparés
Je plongerais les feuilles dans le bouillon
Le temps d'un soupir
Je les retire
J'habillerais huit gambas fraîches couleur pierre
Avec les feuilles de poireaux souples
Je poserais sur le bouillon
Ce panier de bambou venu de ton pays
J'aurais tant aimé le découvrir avec toi
Huit gambas, huit minutes
Une coupelle de soja brunâtre, épais, sucré, salé
Il s'est contenté de mâcher
Et puis ça s'est gâté
Je voulais une vie en forme de toi
Il casse mon monde en petits morceaux
Ça m'est égal
Il reste assez pour moi
Le chant des oiseaux
Le levé du jour
Les premières fleurs
Le bruit des vagues
Les jeux des enfants
Le sourire d'un ami.