Ainsi allons-nous cherchant la pensée juste et la beauté parfois nous brûle et nous mord. «Donne-moi quelque chose qui ne meure pas. » m’avait-il dit cette nuit-là. Il était revenu en secret à la maison. Ces quelques trois heures passées ensemble avaient adouci son visage tendu par la dureté des combats menés sur les ponts aux abords de la ville.
Il m’avait raconté les scènes de guérilla sanglante, les corps éventrés de ses camarades, les cris et les pleurs des femmes et des enfants.
Je n’avais trouvé que mes bras et la chaleur de mon corps pour répondre à sa demande faisant de cette nuit comme un 8 ème jour de la semaine. Aujourd’hui, la paix est revenue ; la filature a rouvert et j’y ai repris mon travail. J’ai retrouvé avec plaisir l’odeur de la graisse des machines mêlée à celle des fibres de lin.
Les bavardages de la vieille Sorianoda emplissent de nouveau l’atelier d’un doux murmure d’abeille.
Je sais que je suis enceinte. Je réfrène une envie de chantonner des berceuses. Je me surprends à porter les bobines tels des nouveaux-nés. J’entraîne mes bras à ce geste protecteur pour être prête pour cet avenir à qui j’ai décidé de sourire ; car je suis sûre que de l’avenir, tout en sort comme le diable de sa boîte, la justesse, la beauté et l’amour.