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Je vous écris de...

de Monique Derrien


Monsieur le Président, Comme tant d'autres, nous étions – nous les anciens parqués dans la maison de retraite « Vers l'infini » - devant notre téléviseur, au moment de votre allocution. Si elle semble avoir satisfait bon nombre de personnes, sachez que nous n'en faisons pas partie. Vous nous dites être en guerre. A ce titre, vous nous enfermez, vous nous coupez de tout contact avec l'extérieur. Sans doute, pensez-vous ainsi nous protéger, nous sauver de la mort. C'est la règle à présent, dites-vous ! Mais la mort, cher monsieur, nous vivons avec elle, chaque jour. Nous savons qu'elle nous emportera, et plus rapidement si nous ne pouvons plus rencontrer nos enfants, petits-enfants, nos amis. C'est la relation aux vivants qui nous permet de rester en vie et nous donne de la joie. Que nous laissez vous ? Vous nous privez du peu de liberté que nous avions. Ne reste plus que la solitude peuplée de souvenirs. Ne craignez vous pas que cela soit une arme qui en fera périr plus d'un ? Vous donnez à tous un semblant d'espoir. A nous, aucun. Imaginez que nous les vieux, les laissés-pour-compte, nous décidions de nous rebeller, de déserter de votre guerre. Vous n'avez pas le droit d'interdire. C'est interdit ! Croyez-vous que nous sommes attendris parce que vous avouez avoir commis des erreurs ? Croyez-vous qu'après avoir vécu une vie bien remplie, faite parfois de guerre, de travail, de famille, vous pouvez ainsi trancher et décider de ce qui est bon ou pas, de comprendre les maux des autres ? Que savez-vous de la vieillesse et du peu de respect que l'on en fait. Ça fait mal d'être vieux. Qu'il nous soit permis de respirer l'air parfumé, sensuel, de sentir l'odeur des conifères, revoir les oiseaux peureux, le soleil sur nos peaux fragiles, le brin d'herbe, la goutte de rosée, parce que c'est joli la vie. Il ne nous reste plus que les mots. Nous vous les adressons, en espérant qu'ils seront lus, entendus. Cordialement. Maison de retraite « Vers l'infini »

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